Mais les impacts sanitaires et environnementaux de ces décharges restent difficiles à évaluer avec pécisions. Pour mettre en évidence un lien entre pollution environnementale et santé publique, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) a mené une étude préliminaire sur l'un des plus grands dépotoirs d'Afrique, dans le quartier de Dandora à Nairobi au Kenya. Située à 8 km à l'est de Nairobi, cette décharge accueille la majeure partie des déchets solides de la région sur plus de 30 ha. 2.000 tonnes de déchets industriels, agricoles, domestiques et médicaux sont déposées quotidiennement sans aucune précaution et viennent grossir la montagne d'ordures. Chaque jour, des centaines de personnes, y compris des enfants, des bidonvilles voisins et des quartiers résidentiels pauvres utilisent le dépotoir pour trouver de la nourriture, des produits « recyclables » et d'autres objets qu'ils peuvent vendre. Le fleuve de Nairobi passe à proximité et une partie de la décharge s'y déverse déjà alors que l'eau est utilisée en aval par les habitants et pour l'irrigation.
Menée en collaboration avec les experts de l'université de Nairobi et de Kenyatta, de l'hôpital national de Kenyatta et de l'institut de recherche agricole du Kenya, l'étude a porté sur l'analyse d'échantillons de sol et d'eau pour déterminer la teneur et les concentrations en divers polluants (métaux lourds, PCB et pesticides) aux alentours de la décharge. Les échantillons de sol provenant du dépotoir ont été comparés aux échantillons prélevés à Waithaka, un secteur résidentiel peri-urbain de Nairobi. Les résultats montrent des niveaux des métaux lourds dangereusement élevés, particulièrement en plomb, mercure et cadmium, sur le site du dépotoir, aux alentours et dans les résidences environnantes. La concentration en plomb (Pb) dans les échantillons de sol autour de la décharge par exemple s'échelonne de 50-590 parties par millions (ppm) dont 42% au-dessus de 400 ppm. Les échantillons provenant du cœur de la décharge vont même au-delà avec 13.500 ppm. Les concentrations moyennes des échantillons de sol provenant du dépotoir sont au final sept fois plus élevées que ceux prélevé à Waithaka. Selon le PNUE, c'est une indication claire que ce dépotoir est la source principale des niveaux élevés de plomb retrouvés aux alentours. Même constat pour le mercure (Hg) par exemple qui atteint une concentration de 46,7 ppm dans les sols, 18,6 ppm le long du fleuve ce qui est largement supérieur au niveau d'exposition acceptable selon l'OMS, à savoir 2 ppm.
Grâce à la présence d'un dispensaire à proximité de la décharge, des analyses de sang et d'urine ont pu être effectuées sur plus de 300 enfants vivants à proximité et âgés de 2 à 18 ans. La moitié des enfants examinés présente des taux de plomb dans le sang excédant les niveaux internationalement acceptés. Selon le PNUE, les enfants ont été exposés aux polluants par le sol, l'eau et les fumées de déchets brûlés. Presque la moitié des enfants examinés souffrait de maladies liées aux systèmes respiratoires (bronchite, l'asthme), gastro-intestinales (vomissements) et dermatologiques. Certains des symptômes connus pour l'empoisonnement au plomb ont été détectés chez plus de la moitié des enfants. L'exposition à des niveaux élevés de plomb est également liée à d'autres mauvais effets dommageables aux systèmes nerveux et au cerveau, tandis que l'empoisonnement de cadmium endommage les organes internes, particulièrement les reins, et provoque des cancers. Nous nous attendions à des résultats inquiétants, mais en réalité ils sont encore plus choquants que nous ne l'avions imaginé, explique Achim Steiner, Sous- secrétaire général de l'ONU et directeur exécutif du PNUE. Il est évident qu'une action urgente est indispensable pour réduire les dangers environnementaux et sanitaires pour que les enfants et les adultes puissent continuer leurs vies quotidiennes sans crainte d`être empoisonnés, a-t-il ajouté. Puisque le dépotoir n'a pas de limites ni de gestion, les gens risquent également de contracter des maladies véhiculées par le sang comme l'hépatite et le SIDA, alerte Njoroge Kimani, enquêteur principal et auteur du rapport d'étude.
Le PNUE s'est dit prêt à aider les autorités locales et nationales à améliorer la gestion des systèmes de voirie et des dépotoirs, notamment par une politique qui puisse générer des emplois durables et sains dans le secteur de la gestion des dépotoirs et du recyclage. La communauté locale demande la fermeture et le déménagement du dépotoir, à un endroit beaucoup plus adéquat et contrôlé pour réduire non seulement les impacts sur la santé et l'environnement mais également fournir du travail et un revenu à la communauté locale. Les vies de nombreux résidents locaux dépendent du dépotoir de Dandora. Le défi est de réduire au minimum puis supprimer le dépôt de matériaux dangereux au dépotoir en les détournant vers un traitement adéquat, a expliqué Achim Steiner.
Selon l'organisation mondiale de la santé (OMS) environ un quart des maladies affectant l`humanité sont attribuables à l'exposition prolongée à la pollution environnementale avec en première ligne les enfants, plus vulnérables que des adultes. Parmi les enfants âgés moins de cinq ans, les maladies liées aux facteurs environnementaux sont responsables de plus de 4,7 millions de décès annuellement. Dans les pays en voie de développement, 25% des décès sont liés aux facteurs environnementaux comparés à 17% des décès dans le monde développé.